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Rappelez par Alain SCHLOESING (Ancien du 4° RIMa) à Toulon, le 03 Septembre 2016, voici ci-dessous l’article du journal Le Matin du 1er Septembre 1910 et relatant le récit des combats de Bazeilles par le commandant Herre Wyn
L’article est visible sur ce lien : cliquer ici
Le texte ci-dessous peut, malgré des soins attentifs à sa reproduction, présenter quelques erreurs que vous seriez aimable de me signaler.
V.R

Quel souvenir vous évoquez, mon commandant

Cdt Herre Wyn
Au jour anniversaire de Bazeilles, le dernier survivant de la maison des "Dernières Cartouches" nous raconte ce qui se passa là, il y a quarante ans
Des fronts nus s'inclineront aujourd'hui, profondément, au seuil d'une humble maison de village où un drapeau endeuillé confie au vent l'étoffe aux trois couleurs. De toutes les contrées de la France, des hommes viendront là prononcer des paroles de douleur, de respect et d'espoir. C'est que les murs blessés de ce pauvre logis se parent d'un souvenir funeste et glorieux. Ils évoluent un passé de tragique beauté. Cette maison, c'est la maison de Bazeilles, où une poignée de héros arrêta pendant cinq heures une division bavaroise entière. Il y aura aujourd'hui quarante ans que des soldats français sont tombés, dans un suprême geste de défi, sous la mitraille ennemie.
La défense de la maison de Bazeilles Pour les hommes de notre génération, c'est de l'épopée, c'est de la légende. Dans le recul, ce grand geste de folle bravoure s'enveloppe d'une auréole lointaine et s'apparente aux récits fabuleux des temps héroïques.
Et voici qu'hier, il se précisa devant moi, il reconquit sa vérité première, sa terrible et simple grandeur. J'avais devant moi le dernier survivant de ceux qui tentèrent l'impossible, qui crurent un instant, dans le vertige de la poudre et du sang, qu'il suffisait de vouloir pour vaincre le commandant Herre Wyn. Celui-ci a connu la fièvre et les angoisses de la lutte dans la maison des Dernières Cartouches. Il est resté le seul témoin de l'admirable épisode. Car des quarante-trois hommes qui sortirent vivants de l'enfer, de Bazeilles, tous se sont allés, sauf 1.
Et je l'ai trouvé dans une paisible petite ville, à Provins, où il se repose de son récent voyage en Guyane.
Lorsque, brusquement, je lui parlai de l'auberge Bourgerie, il eut un tressaillement.

Ah dit-il d'une voix sourde, quel souvenir évoquez-vous ici
Pourtant une lueur s'alluma dans ses yeux bleus. Longtemps il demeura pensif. Puis tout à coup d'un ton bref
Vous savez dit-il, l'histoire de la journée l'enveloppement de l'armée, la retraite, ou plutôt l'acheminement vers la déroute, et la cohue du flot qui dévalait interminablement, hommes, chevaux et canons, affolé par la poursuite, talonné par ces masses noires qui grouillaient déjà, là-bas, toutes proches quatre-vingts bouches à feu crachaient leurs boulets.
Les quatre régiments d'infanterie de marine dont je faisais partie se battaient toujours. Comment Pourquoi ? On ne savait plus bien. A midi nous étions devant 1'église de Bazeilles. Il ne restait plus que des débris de mon régiment. Le commandant Lambert venait d'être jeté à terre, la cheville brisée par un éclat d'obus. Il se tenait tout de même debout, accoté à un petit mur.
Mes enfants cria-t-il tout à coup, allons vers cette maison - il désignait une auberge déserte - il faut nous dévouer.. protéger la retraite...
Je me trouvais auprès de lui avec ce qui restait de mes hommes Deux d'entre eux prennent  le commandant sous les bras. Nous franchissons la petite haie de ronces bordant le chemin
Nous sommes devant une auberge abandonnée, l'enseigne pendante, la façade posée de biais et « louchant » sur la route. Nous glanons les cartouchières des morts qui nous entourent, et les poches bourrées de munitions, nous entrons.
Le commandant Lambert, couché sur une paillasse au long du mur, nous donnait des ordres, d'une voix étrangement calme.
M. Herre-Wyn se tut un instant, puis :
J’étais chargé continua-t-il, de défendre le grenier. Je faisais le possible : à chaque coup de mon chassepot, je voyais un uniforme sombre s'abattre. Je ne sais pas comment je tirais avec tant de précision, car un tumulte terrible nous entourait. Des flammes s'élevaient partout; les cris de mort, d'agonie, emplissaient la rue. Et chacun de nous semblait trouver une lucidité plus forte à mesure que la mort inéluctable approchait.
Auprès de moi un gamin de vingt ans aux yeux bleus tirait avec méthode. Tout à coup j'entendis un cri « Maman ». Je me retournai un instant. L'enfant était renversé, le poing crispé sur son fusil. Il mourait.
Bientôt nous ne fûmes plus que cinq debout dans le grenier. Les autres râlaient. Les obus commençaient à tomber sur le toit, â éclater… C'est alors que le capitaine Aubert vint nous rejoindre
Un homme terrible, ce capitaine Aubert ! Il tirait là comme à la cible. Derrière une petite haie qui entourait la maison, les cadavres prussiens s'amoncelaient.
Des clameurs montaient vers nous : Franzozen ! Rentez-vous ! Rentez-vous !
Tant qu'on eut des munitions on n'y songea point. Mais brusquement, moi-même en plongeant la main dans ma cartouchière, je ne trouvai rien.
Rentez-vous, Franzozen ! criaient toujours les Bavarois.
Le commandant alors éleva la voix :
Mes amis, nous dit-il, vous avez fait tout votre devoir. Vous ne pouvez rien de plus.
Alors voilà qu'un caporal, un vieux boucané de l'infanterie de marine, noir de poudre et les yeux fous, grommela furieusement :
Nous rendre, commandant Et ceux-là, est-ce qu'ils se sont rendus ?
Et il montrait tous nos camarades étendus.
Puis faisant volte-face vers les autres, le fusil menaçant :
Le premier qui parle de se rendre, je lui brûle la g... !
Puis il retourna à sa meurtrière.
Pourtant la position devenant intenable. Les planchers cédaient, les murs s'effritaient.
A nouveau, le commandant Lambert prit la parole
Combien êtes-vous encore ?
On se numérota.
43..
43 sur 200 !
M. Herre-Wyn continua
Enfin, dit-il, tout fut fini. Le commandant Lambert se fit descendre par deux soldats. Il ouvrit la porte, et devant la foule innombrable des Bavarois, un instant immobilisés de stupeur et de respect, il leva son sabre renversé.
Nous étions tranquilles. On allait nous fusiller proprement. En effet une ruée furieuse déferla sur nous. Des baïonnettes se croisaient déjà sur notre poitrine, lorsqu'une sorte de géant, dont la poitrine se couvrait de décorations, se précipita entre nous et les soldats prussiens. Il étendit les bras. Ses hommes reculèrent.
Alors, lentement, il s'avança vers le commandant Lambert et les deux hommes qui l'accompagnaient, et l'arme au fourreau, avec un large geste, il leur donna l'accolade…
C'était le capitaine bavarois Lissignolo.
« Messieurs les Français, cria-t-il, bravo Je vous salue. »
Près de lui, le capitaine Aubert, le farouche tireur, pleurait.
Monsieur, lui dit l'officier allemand, les héros ne doivent pas pleurer. Votre honneur est sauf. Je viens de demander au général, en chef, au prince Frédérick, l'autorisation de vous laisser vos armes. Pourtant vous nous avez fait bien du mal.
Une heure après, continua M. Herre Wyn, nos sabres aux côtés, nos fusils sur l'épaule, nous défilions sur le front de l'armée allemande qui nous présentait les armes. Les cuirassiers blancs se tenaient immobiles, sabre haut, raidis dans leurs armures bosselées de balles françaises.
C'était beau ! Ah ! c'était beau !
Le vieux soldat demeura un instant l'esprit perdu dans sa rêverie héroïque. Lorsqu'il me regarda., je détournai la tête un peu pour qu'il ne vit pas que mes paupières étaient rougies.